Géolocalisation : brêve halte sur l’étude d’impact du projet de loi relatif à la géolocalisation janvier 10, 2014
Le projet de loi
Un projet de loi (.pdf) relatif à la géolocalisation a été enregistré à la présidence du Sénat le 23 décembre 2013. Celui-ci vise à créer dans notre code des douanes un nouvel article, et dans notre code pénal un chapitre V, qui contiendrait sept articles, dans le titre IV du livre Ier. Ce projet de loi est la conséquence de deux arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre 2013, qui précisaient que « la technique de géolocalisation
constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ». L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme avait été visé. La technique de géolocalisation avait ainsi été censurée lorsque celle-ci est pratiquée dans le cadre d’une enquête dirigée par le procureur de la République.
La géolocalisation est « un procédé permettant, à tout moment, de localiser un individu ou un bien » (exposé des motifs du projet de loi relatif à la géolocalisation). L’exposé des motifs du projet de loi isole deux techniques de géolocalisation en temps réel : d’une part, « le suivi dynamique » (afin de permettre la localisation d’un « terminal de télécommunications »), et d’autre part la balise.
Ce projet de loi a pu soulever certaines critiques. Nous renvoyons ainsi au site de l’ASIC.
Le jeu des options
Si la lecture du projet de loi est instructive, la lecture de l’étude d’impact l’est sans aucun doute encore plus. En effet, celle-ci aborde les différentes options envisagées lors de l’écriture du projet de loi. Par exemple, une option prévoyait de réserver la géolocalisation en temps réel « aux enquêtes portant sur une infraction visée à l’article 706-73 du Code de procédure pénale » (notamment, crimes de meurtre commis en bande organisée, crimes et délits aggravés de traite des êtres humains, crimes et délits de trafics de stupéfiants, etc.). Cette option a été écartée, en raison « de son caractère restrictif », bien qu’elle ne présente « aucune difficulté juridique ». L’article 230-32 qui pourrait être intégré dans notre code pénal prévoit notamment la possibilité de recourir à la géolocalisation en temps réel pour les crimes ou les délits, si ceux-ci sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans. L’étude d’impact relève ainsi que « ce choix répond à une véritable demande opérationnelle ».
Une autre option envisagée prévoyait de soumettre toute mesure relative à la géolocalisation en temps réel à l’autorisation préalable d’un magistrat. Cette option, pourtant protectrice des droits et libertés fondamentaux, a également été écartée. L’option retenue consiste à autoriser le procureur de la République à autoriser la géolocalisation en temps réel pour une durée de quinze jours. Au-delà, l’intervention d’un juge des libertés et de la détention sera requise pour les enquêtes dirigées par le procureur de la République. L’étude d’impact relève que ce dispositif ne « présente pas de risque juridiques », et se fonde notamment sur le fait que « le Conseil constitutionnel a affirmé à de nombreuses reprises que le procureur de la République est une composante à part entière de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles ». L’étude écarte également la possible censure du texte par la Cour européenne des droits de l’homme en citant l’arrêt Uzun c/ Allemagne. Le spectre de l’arrêt Medvedyev c. France (Cour européenne des droits de l’homme, 29 mars 2010, n°3394/03) pourrait bien revenir hanter les couloirs de nos institutions et juridictions.
Quid de l’installation d’un mécanisme de géolocalisation en temps réel dans un lieu privé ? Une option envisagée consistait à donner la faculté aux officiers de police judiciaire d’installer de tels mécanismes dans un lieu privé et ce sans aucune autorisation préalable. Il est à noter qu’une telle faculté avait été écartée pour les domiciles. L’option retenue consiste finalement à soumettre l’installation de « balises » à l’autorisation préalable du magistrat ayant ordonné une telle installation. Concernant le domicile, l’installation d’une balise ne serait alors possible qu’après avoir recueilli l’autorisation d’un magistrat du siège (juge d’instruction ou juge des libertés et de la détention selon les hypothèses).
Différentes options ont pu être envisagées, notamment des options relatives à la durée. Nous renvoyons à l’étude d’impact, disponible sur le site du Sénat.