Fin de la collecte de masse des métadonnées téléphoniques aux Etats-Unis : un #epicwin ? décembre 2, 2015
Les agences de renseignements américaines ne peuvent plus, depuis le 29 novembre 2015, opérer la collecte et le stockage des métadonnées téléphoniques. Conséquence du US Freedom Act, entré en vigueur le 2 juin 2015, cet arrêt ne signifie pas pour autant la fin de la collecte massive de données par les agences de renseignements.
La collecte massive des métadonnées téléphoniques opérée par les agences américaines trouve son origine dans le FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act of 1978, consultable ici), qui établit un régime de surveillance. Cette loi visait à mettre en oeuvre un système permettant de placer sous surveillance des personnes travaillant pour le compte d’une puissance étrangère (« agent of foreign power »). Cette expression recouvrait deux types de personnes : d’une part, un citoyen non-américain, agissant sur le territoire des Etats-Unis, et, d’autre part, toute personne (et donc, les citoyens non-américains et les citoyens américains) agissant pour le compte d’une puissance étrangère ou engagée dans une activité de sabotage ou de terrorisme. Cette loi présentait l’avantage d’éviter l’engagement d’une procédure judiciaire (sect. 102, (a), (1)).
Peu après les attaques du 11 septembre 2001, le US Patriot Act (Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism) fut adopté. Celui-ci amenda le FISA. La section 215 du US Patriot Act inséra dans le FISA les sections 501 et 502. La section 501 indiquait notamment :
The Director of the Federal Bureau of Investigation or a designee of the Director (whose rank shall be no lower than Assistant Special Agent in Charge) may make an application for an order requiring the production of any tangible things (including books, records, papers, documents, and other items) for an investigation to protect against international terrorism or clandestine intelligence activities, provided that such investigation of a United States person is not conducted solely upon the basis of activities protected by the first amendment to the Constitution.
Section 501, (a), (1)
Pour les agences gouvernementales, la section 215 du US Patriot Act autorisait la collecte et le stockage des métadonnées téléphoniques des citoyens américains, l’objectif étant de lutter contre le terrorisme. La section 215 fut remise en question à de nombreuses reprises depuis la révélation des programmes de surveillance en 2013. Un membre de la Chambre des représentants, M. Jim Sensenbrenner – à l’origine du US Patriot Act -, élabora le US Freedom Act. Ce dernier fut adopté, malgré l’opposition de certaines personnalités civiles regrettant la suppression de ses dispositions les plus ambitieuses. Cette loi amende la section 501, supprimant la collecte et le stockage de masse :
(i) there are reasonable grounds to believe that
the call detail records sought to be produced based
on the specific selection term required under subpara-
graph (A) are relevant to such investigation; and
(ii) there is a reasonable, articulable suspicion
that such specific selection term is associated with
a foreign power engaged in international terrorism or
activities in preparation therefor, or an agent of a
foreign power engaged in international terrorism or
activities in preparation therefor; and.US Freedom Act, Section 101 Additional requirements for call detail records, consultable ici (souligné par nos soins).
Il est également intéressant de noter que les métadonnées pouvant être réclamées aux opérateurs devront être « ciblées » : ainsi, toute surveillance de masse est exclue :
« a specific selection term to be used as the basis for the production of the tangible things sought ».
SEC. 103., (a).
La surveillance de masse relative aux métadonnées téléphoniques a donc cessé le 29 novembre. En effet, malgré l’entrée en vigueur du US Freedom Act, une période de transition avait été aménagée.
Cependant, la NSA bénéficie toujours d’un accès limité aux métadonnées téléphoniques, accès qui sera révoqué le 29 février 2016. A cette date, l’agence sera dans l’obligation de procéder à la suppression des métadonnées téléphoniques en sa possession.
Il convient de noter que l’arrêt de ce programme, s’il concerne aussi bien les citoyens américains que les citoyens non-américains, ne signifie pas pour autant la fin de la surveillance de masse : en effet, ces dispositions visent uniquement les métadonnées téléphoniques : ainsi, la NSA peut toujours opérer ses programmes de surveillance relatifs au web.
La collecte et le stockage des métadonnées téléphoniques avaient déjà été remis en cause par un arrêt en date du 7 mai 2015. Les juges avaient en effet estimé que le programme de surveillance outrepassait les dispositions prévues par la section 215 :
For the forgoing reasons, we conclude that the district court erred in ruling that § 215 authorizes the telephone metadata collection program, and instead hold that the telephone metadata program exceeds the scope of what Congree has authorized and therefore violates § 215. Accordingly, we VACATE the district court’s judgment dismissing the complaint and REMAND the case to the district court for further proceedings consistent with this opinion
United States Court of Appeals for the Second Circuit, Docket No. 14-42-cv, 7 mai 2015, consultable ici (fichier .pdf, consultable sur le site de l’EPIC).
Les appelants avaient par ailleurs soulevé les problématiques constitutionnelles posées par le programme de la NSA. Par cet arrêt, les juges avaient reconnu que les dispositions constitutionnelles étaient en effet impactées. Cependant, ils avaient également relevé qu’il ne leur appartenait pas de juger de la constitutionnalité du programme américain. Les juges renvoyaient alors au pouvoir législatif, et mentionnait explicitement le US Freedom Act.
Ideally, such issues should be resolved by the courts only after such debate, with due respect for any conclusions reached by the coordinate branches of government.
Pour aller plus loin :
- ANONYME, Office of the Director of National Intelligence, « ODNI Announces Transition to New Telephone Metadata Program », www.icontherecord.tumblr.com, IC on the record, publié le 27 novembre 2015, consulté le 2 décembre 2015, consultable ici.
- GREEN (D.), « Bulk Call Details Records Collection Ends : What that Means », www.eff.org, publié le 30 novembre 2015, consulté le 2 décembre 2015, consultable ici.
- GULIANI (N. S.), « Renewed Calls for More Surveillance Aren’t Based in Reality », www.aclu.org, publié le 19 novembre 2015, consulté le 2 décembre 2015, consultable ici.
- ANONYME, « Freedom Act Goes Into Effect, NSA Bulk Data Collection Ends », www.epic.org, publié le 30 novembre 2015, consulté le 2 décembre 2015, consultable ici.