Valentin Boullier

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Archives du mois : octobre 2014

Mini-extrait du mémoire « L’influence des Etats-Unis sur le droit du réseau Internet » octobre 26, 2014

Les appel de l’ICANN à une plus grande indépendance

Malgré la dépendance « historique » de l’ICANN vis-à-vis des États-Unis, l’association souhaite acquérir une véritable indépendance. Les récentes révélations relatives au programme de surveillance ont démontré que l’influence des États-Unis demeurait. Ainsi, plusieurs puissances régionales, dont l’Union européenne, souhaitent une plus grande indépendance de l’ICANN.
Le 17 novembre 2013, un « panel sur l’avenir de la coopération mondiale dans le domaine de l’Internet » a été constitué. Celui-ci regroupe notamment « différentes parties prenantes représentant les gouvernements, la société civile, le secteur privé, la communauté technique et différentes organisations »[1]. L’ICANN occupe un rôle important, puisqu’elle a « servi de catalyseur pour la création de ce panel ». La première réunion s’est tenue le 13 décembre 2013. Lors de celle-ci, les membres du panel ont réaffirmé leur support pour une approche pluripartite.
La volonté d’une plus grande indépendance n’est pas uniquement reliée à la révélation d’interceptions massives de données numériques : par exemple, l’ICANN avait tenté, avant la conclusion du Joint Project Agreement, d’obtenir une plus grande indépendance. Par ailleurs, ce JPA avait été considéré comme une limitation de l’influence américaine.
Lors de son séjour à Paris, M. Fadi Chehadé s’est exprimé sur le sujet, en accordant un entretien au journal Les Échos. Le président de l’ICANN a souhaité une évolution, afin que l’organisme devienne une « société internationale » pouvant être basée à Genève. Le président rappelle également que le conseil d’administration a adopté un « plan de globalisation » comportant cinq étapes[2]. La consultation de la « version préliminaire de la vision, la mission et les domaines prioritaires de l’ICANN en vue de l’élaboration d’un plan stratégique sur cinq ans » révèle ainsi la véritable volonté d’indépendance. Ce document rappelle notamment que « la vision de l’ICANN est celle d’une organisation mondiale indépendante »[3].
De même, l’ICANN a signé la Déclaration de Montevideo « sur l’avenir de la coopération pour l’Internet ». Cette déclaration constitue un document majeur, notamment car les signataires sont d’éminents acteurs de l’internet, comme M. John Curran (directeur exécutif de l’ARIN – American Registry for Internet Numbers), M. Jari Arkko (président de l’IETF), Mme Lynn St-Amour (présidente et directrice exécutif de l’ISOC), ou encore M. Jeff Jaffe (directeur exécutif du W3C). La déclaration liste quatre points : les signataires ont en premier lieu souligné « l’importance d’une gestion cohérente de l’Internet au niveau mondial et mis en garde contre la fragmentation de l’Internet au niveau national ». D’autre part, ils « ont convenu de catalyser les efforts à l’échelle de la communauté globale en vue de l’évolution de la coopération multipartite de l’Internet mondial ». Les signataires ont également lancé un appel afin que la « mondialisation des fonctions de l’IANA et de l’ICANN » s’accélère. Enfin, la transition vers l’IPv6 a été abordée. Cette déclaration constitue ainsi un véritable appel à une plus grande indépendance de l’ICANN. Elle incarne également la volonté d’une « mondialisation » des « fonctions » ICANN et IANA, « afin que toutes les parties prenantes, en incluant les gouvernements participent sur un pied d’égalité ». Ainsi, dans un discours prononcé à la conférence sur le cyberespace 2013 (qui s’est déroulée à Séoul), madame Lynn St. Amour rappelle que « nous IETF avons appelé à l’accélération de la globalisation des fonctions ICANN et IANA, dans un environnement dans lequel toutes les parties, en incluant les gouvernements, participeraient dans leurs rôles respectifs ʺd’expertsʺ »[4].
Les velléités d’indépendance ne sont donc pas récentes, mais « l’affaire Snowden » semble avoir encouragé l’ICANN à réclamer avec plus de force son indépendance.

Notes

[1] ANONYME, « Constitution d’un panel de haut niveau pour étudier l’avenir de la gouvernance de l’Internet », www.icann.org, mis en ligne le 17 novembre 2013, consulté le 27 février 2014, disponible à l’adresse <http://www.icann.org/fr/news/announcements/announcement-2-17nov13-fr.htm>

[2] RAULINE (N.), « Fadi Chehade : ˮLa gouvernance d’Internet doit s’inspirer de ce qu’est Internetˮ, entretien avec M. Fadi Chehade, président de l’ICANN, www.lesechos.fr, op. cit.

[3] Version préliminaire de la vision, la mission et les domaines prioritaires de l’ICANN en vue de l’élaboration d’un plan stratégique sur cinq ans, 28 octobre 2013.

[4] ST. AMOUR (L.), discours prononcé le 17 octobre 2013 lors de la conférence sur le cyberespace de 2013, à Séoul, consulté le 27 février 2014, disponible à l’adresse : <http://www.Internetsociety.org/sites/default/files/Seoul%20Conference%20on%20Cyberspace%202013%20Final%20Remarks.pdf>.

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Mini-extrait du mémoire « L’influence des Etats-Unis sur le droit du réseau Internet » octobre 26, 2014

L’influence américaine lors de la création de l’ICANN

L’influence américaine sur l’ICANN est présente depuis sa création, celle-ci répondant à la volonté américaine de remplacer un système très contesté. En dépit des souhaits d’autres puissances consistant en une internationalisation, les États-Unis ont dès l’origine imaginé l’ICANN comme une construction américaine. Pour certains auteurs, le gouvernement américain « poursuit l’objectif naturel de garder le contrôle du DNS tout en le légitimant en l’ʺuniversalisantʺ par l’entremise de l’ICANN »[1]. Ainsi, « l’Icann est en fait le fruit d’une construction unilatérale de la part des États-Unis »[2]. Le Memorandum of Understanding (MoU) du 25 novembre 1998, est un contrat conclu entre l’ICANN et le Department of Commerce par lequel ce dernier souhaitait s’assurer de la capacité du secteur privé à pouvoir gérer « le management technique du DNS »[3]. Il est intéressant de noter que le DoC fonde son autorité en cette matière sur des normes américaines et non internationales, tandis que l’ICANN fonde la sienne sur ses statuts. En vertu du MoU, le Department of Commerce conserva la maîtrise sur l’ICANN. Ce contrat prévoyait notamment une coopération entre les deux parties afin de « concevoir, développer, et tester les mécanismes, méthodes, et procédure pour effectuer le management des fonctions DNS suivantes »[4], et ce de manière conjointe. Une liste comportant cinq fonctions avait été établie. De plus, les deux parties devaient « concevoir, développer, et tester les mécanismes, méthodes, et procédures qui achèverait la transition sans perturber l’opération fonctionnelle d’Internet »[5]. La supervision du département du commerce était donc totale. Un terme voisin de « supervision » (« oversight ») était employé, dans le sens où le DoC devait assurer la surveillance des activités réalisées en vertu du contrat[6]. De surcroît, le DoC avait consenti à mettre à la disposition de l’ICANN son expertise et ses conseils. Cette maîtrise « totale » était particulièrement contestée, et était à l’origine de nombreuses inquiétudes.
Le Memorandum of Understanding devait prendre fin le 30 septembre 2000. Cependant, celui-ci fut amendé à de nombreuses reprises, et le dernier amendement date du 17 septembre 2003. Les six amendements peuvent être consultés sur le site web de l’ICANN. Le MoU expira le 30 septembre 2006, mais l’emprise américaine perdura, puisque le MoU fut par la suite remplacé par le JPA (Joint Project Agreement)[7]. Il est très intéressant de noter que l’amendement 1, en date du 10 novembre 1999, soit peu de temps après la création de l’ICANN, prévoyait notamment que si le département du commerce américain retirait la reconnaissance accordée à l’ICANN, celle-ci s’engageait à transmettre au département tous les droits qu’elle détenait en vertu des contrats conclus avec les offices et les bureaux d’enregistrement[8]. Le département du commerce américain pouvait ainsi continuer à exercer une réelle influence s’il choisissait de ne plus reconnaître l’ICANN.
De plus, le MoU n’est pas le seul contrat conclu entre l’ICANN et le département du commerce américain. En effet, en plus de l’accord conclu entre l’ICANN et la NTIA le 9 février 2000, un autre accord fut conclu avec le département du commerce en 1999[9].
De surcroît, l’ICANN, en tant que société de droit privé à but non-lucratif constituée selon les lois californiennes, est soumise au droit américain. Ce point peut notamment être illustré par une résolution en date du 20 décembre 2012, qui contient notamment l’expression « attendu qu’en vertu des statuts de l’ICANN et de la loi californienne »[10]. Si cette résolution est relative à un supplément de rémunération pour un membre important de la société, l’emploi d’une telle expression peut parfaitement illustrer l’influence de la loi californienne.

Notes

[1] MOUNIER (P.), « L’ICANN : Internet à l’épreuve de la démocratie », Mouvements, 2001/5 no18, DOI : 10.3917/mouv.018.0081, p. 82.

[2] Ibid., p. 119.

[3] Memorandum of Understanding conclu le 25 novembre 1998, disponible sur les sites www.icann.org et www.ntia.gov.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] « Provide general oversight of activities conducted pursuant to this Agreement », Memorandum of Understanding, conclu le 25 novembre 1998, op. cit.

[7] FROOMKIN (M.), « Almost Free : An Analysis of ICANN’s ʺaffirmation of Commitmentsʺ », 9 J. on Telecomm. & High Tech. L. 187, 2011, p. 192 (disponible sur le site de la New York University School of Law à l’adresse <http://www.law.nyu.edu/sites/default/files/ECM_PRO_067688.pdf>)

[8] « If DOC withdraws its recognition of ICANN or any successor entity by terminating this MOU, ICANN agrees that it will assign to DOC any rights that ICANN has in all existing contracts with registries and registrars », Memorandum of Understanding, premier amendement , signé le 10 novembre 1999.

[9] Cooperative Research and Development Agreement Between ICANN and US Department of Commerce.

[10] Résolution du 20 décembre 2012, publiée le 22 décembre 2012, consultée le 11 février 2014, disponible sur : <http://www.icann.org/en/groups/board/documents/resolutions-20dec12-en.htm>.

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