Valentin Boullier

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Archives du mois : octobre 2013

L’utilisation des logiciels libres dans les ministères français : une évolution continue octobre 28, 2013

Le ministère de l’Intérieur a publié le 15 octobre 2013 sa réponse à la question écrite de Mme la députée Isabelle Attard. Cette dernière avait transmis en mai dernier à l’ensemble des ministères une question écrite leur demandant de faire état des suites données à la circulaire n° 5608 du 19 septembre 2012 (pdf) du Premier ministre, destinée à inciter les ministères à considérer à égalité les logiciels libres et les logiciels propriétaires. C’est l’occasion de revenir sur l’usage des logiciels libres dans l’administration.

L’implantation progressive des logiciels libres dans les ministères

Les ministères ont progressivement développé l’usage des logiciels libres au cours des dernières années. Ainsi, dans sa réponse à la question de Mme la députée Isabelle Attard, le ministère de la Culture et de la communication rappelle qu’il « su très tôt faire appel aux logiciels libres pour développer son système d’information de manière ouverte aux nouvelles technologies dans un cadre contraint budgétairement » et que l’usage de tels logiciels s’inscrit dans « une politique de longue date qui remonte au début des années 2000 ».

Peu à peu, d’autres ministères suivirent : le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Éducation nationale, le ministère des Affaires sociales et de la santé et même le ministère de la Défense. Avant même la circulaire du Premier ministre, on constate des évolutions démontrant l’importance croissante des logiciels libres dans les ministères français : ainsi, en juin 2012, une société entièrement tournée vers l’open-source remportait en co-traitance avec deux autres sociétés le marché ministériel de supports des logiciels libres. Ce contrat, portant notamment sur la maintenance des logiciels, a permis au ministère de l’Éducation nationale de ne pas renouveler son contrat de maintenance avec IBM.

Le 19 septembre 2012, le Premier ministre signait une circulaire. Le document annexé à celle-ci était préparé avec l’assistance des directeurs des systèmes d’information des différents ministères et avait pour objet « de retenir une série d’orientations et de recommandations sur le bon usage du logiciel libre ». Les principales orientations données étaient l’instauration d’une action interministérielle basée notamment sur « une convergence effective des souches », l’amélioration du support de ces logiciels, ou encore le suivi des grandes communautés, telle que la communauté Mozilla. Si les actions en faveur des logiciels libres se sont développées bien avant cette circulaire, celle-ci a permis d’afficher l’ambition du gouvernement, à savoir la prise en compte à égalité des logiciels libres avec les logiciels propriétaires ou mixtes. Le but, louable en des temps de crise économique, est le contrôle des coûts, que ceux-ci soient liés à des achats de licences ou à des contrats de maintenance.

En mai 2013, Mme la députée Isabelle Attard transmettait à l’ensemble des ministères une question écrite afin de suivre l’application de la circulaire mais également de connaître les dépenses de chaque ministère en matière de logiciels. Si de nombreux ministères n’ont toujours pas répondu, d’autres, parfois régaliens, ont publié leur réponse. C’est notamment le cas du ministère des Affaires sociales et de la santé, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense, ou encore du ministère de l’Éducation nationale. Dans leurs réponses à la question écrite, les ministères développent les dernières évolutions en matière d’utilisation des logiciels libres et les orientations suivies, notamment afin « de se mettre en conformité avec la circulaire du Premier ministre » (ministère de l’Éducation nationale). La réponse la plus récente à la question de Mme la députée provient du ministère de l’Intérieur.

La réponse du ministère de l’Intérieur du 15 octobre 2013

Le ministère rappelle notamment son action en faveur de l’intégration des logiciels libres, et se pose comme « l’un des premiers ministères à avoir encouragé et adopté le libre dans la modernisation de son système d’information ». La réponse donne l’exemple de la Gendarmerie nationale, qui a privilégié les solutions libres pour ses systèmes informatiques. Un article disponible sur numerama.com souligne que cette migration a débuté avant le rattachement au ministère de l’Intérieur, mais les efforts du ministère de l’Intérieur en la matière sont réels : adoption de la messagerie Thunderbird en 2008, installation du système Ubuntu, etc. Il indique également être le contributeur le plus important du marché interministériel de support « Logiciels Libres ».

Enfin, le ministère de l’Intérieur précise les montants dépensés en matière de logiciel. Ainsi, en 2011, 75 874 659 euros ont été dépensés. Si les dépenses effectuées pour les solutions libres ne sont pas détaillées, le ministère rappelle que des économies substantielles ont été réalisées, et cite à titre d’exemple la messagerie Thunderbird, « cinq fois moins onéreuse sur la durée qu’une solution propriétaire ».

Outre le coût, un autre avantage mérite d’être souligné : les ministères peuvent, en adoptant des solutions libres, s’affranchir de logiciels propriétaires développés par des entreprises étrangères, dont certaines ont collaboré avec la NSA. Et ce même si aucune solution logicielle n’est incassable.

La démarche des ministères semble donc favorable à l’intégration des solutions libres dans les systèmes informatiques de l’État. Espérons qu’elle participera à l’émergence d’une « souveraineté numérique » !

L’utilisation des logiciels libres dans les administrations étrangères : l’exemple québecois

Ailleurs, le Québec a adopté en 2011 une Loi «133 » qui impose de considérer comme égaux les logiciels libres et les logiciels propriétaires lors d’appels d’offres. Par la suite, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le 24 septembre 2013 une motion visant à saluer « toute initiative en vue de l’édition et de la diffusion de logiciels libres au Québec » et à encourager « le gouvernement à poursuivre ses efforts pour promouvoir l’utilisation du logiciel libre au sein de l’administration publique ». Les économies seraient estimées à 264 millions de dollars canadiens selon l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, qui mentionne également comme avantage du logiciel libre une plus grande indépendance vis-à-vis des entreprises privées et donc une plus grande « souveraineté numérique ».

SOURCES

NOISETTE (T.), « Usage du logiciel libre dans l’administration, une circulaire et une lettre de Jean-Marc Ayrault », www.zdnet.fr, mis en ligne le 23 septembre 2012, consulté le 21 octobre 2013, disponible sur : <http://www.zdnet.fr/actualites/usage-du-logiciel-libre-dans-l-administration-une-circulaire-et-une-lettre-de-jean-marc-ayrault-39782802.htm>

NOISETTE (T.), « Le logiciel libre au ministère de l’Intérieur: économies significatives sur plusieurs postes », www.zdnet.fr, mis en ligne le 17 octobre 2013, consulté le 21 octobre 2013, disponible sur : <http://www.zdnet.fr/actualites/le-logiciel-libre-au-ministere-de-l-interieur-economies-significatives-sur-plusieurs-postes-39794898.htm>

L. (J.), « L’Intérieur se félicite du passage vers le logiciel libre, quitte à exagérer ses efforts », www.numerama.com, mis en ligne le 18 octobre 2013, consulté le 21 octobre 2013, disponible sur : <http://www.numerama.com/magazine/27267-l-interieur-se-felicite-du-passage-vers-le-logiciel-libre-quitte-a-exagerer-ses-efforts.html>

NOISETTE (T.), « Alter Way obtient le marché interministériel de support des logiciels libres », www.zdnet.fr, mis en ligne le 29 juin 2012, consulté le 21 octobre 2013, disponible sur : <http://www.zdnet.fr/actualites/alter-way-obtient-le-marche-interministeriel-de-support-des-logiciels-libres-39773585.htm>

COUTURE (S.), avec la collaboration de TREMBLAY-PEPIN, « Logiciels libres : réduction des coûts et souveraineté numérique », www.iris-recherche.qc.ca, mis en ligne le 20 septembre 2013, consulté le 21 octobre 2013, disponible sur : <http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2013/09/Note-Logiciels-libres.pdf> (.pdf)

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ARCEP et pouvoir de sanction octobre 13, 2013

Un article plus général sur l’ARCEP et son pouvoir de sanction est disponible ici →

Par la décision 2013-331 QPC, le Conseil constitutionnel a, le 5 juillet 2013, jugé les dispositions de l’article L. 36-11 du Code des Postes et des Télécommunications contraires à la Constitution.

La remise en cause des pouvoirs de l’ARCEP : la décision 2013-331 QPC

Selon les sociétés requérantes, les dispositions de l’article L. 36-11 du Code susmentionné ne garantissait pas la séparation des pouvoirs de poursuite et d’instruction et des pouvoirs de sanctions et se bases sur l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes n’est cependant pas remis en cause par le Conseil constitutionnel, si ce pouvoir « est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ». Dans sa décision, le Conseil constitutionnel cite ainsi les deux principes « sacrés » que sont la légalité des délits et des peines et le respect des droits de la défense.

Mais dans le cas de l’ARCEP, ces pouvoirs étaient réunis entre les mains de son directeur général.

Le directeur général de l’ARCEP peut adresser des mises en demeure à un exploitant de réseau ou à un fournisseur de services : il est donc doté d’un pouvoir d’instruction, ces mise en demeure étant un prélude à une sanction.

De surcroît, non seulement l’article L132 du CPT dispose que l’ARCEP « dispose de services qui sont placés sous l’autorité de son président », mais l’article D292 du CPT dispose que « le directeur général est placé sous son autorité (du directeur de l’ARCEP) et assiste aux délibérations de l’Autorité ».

Dès lors, le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d’impartialité avait été méconnu.

Les dispositions de l’article L.36-11 du CPT ont dont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

L’intervention du gouvernement

L’ARCEP a « pris acte » de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, ce pouvoir de sanction est nécessaire aux missions de l’ARCEP. Le Gouvernement, ayant lui aussi « pris acte de cette décision », fera des propositions au Parlement afin de « rétablir » ce pouvoir de sanction.

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La taxe sur les appareils connectés : une taxe « zombie » ? octobre 13, 2013

La taxe sur les appareils connectés est-elle définitivement enterrée ? Difficile d’ignorer l’actuel débat sur celle-ci : Le Monde, Télérama, Clubic, ZDnet, PCINpact, Europe 1, la plupart des médias ont consacré de nombreux articles à ce sujet. Et pour cause : le sujet est extrêmement sensible, et surtout politique.

Cette taxe est proposée par le « Rapport Lescure » – également dénommé « catalogue répressif de l’industrie » par la Quadrature du Net -, qui a été remis le 13 mai au Président de la République. Ce rapport avait été demandé par le Gouvernement en août 2012.

Une nouvelle taxe ? Pas question !

En France, « l’exception culturelle », expression chère aux artistes et aux gouvernements, implique que si l’accès à la culture est libre et doit être le plus large possible, la culture n’est pas pour autant un bien gratuit diffusable à volonté et sans contrepartie. La gratuité absolue a pu être considérée comme « contre-nature » (Pierre Lescure). Le problème ainsi soulevé est celui de la rémunération des auteurs, à une époque où la diffusion des œuvres est facilitée par des innovations technologiques rapidement appréhendées par le grand public.

Ainsi, comment concilier une large diffusion de la culture et une rémunération équitable pour les auteurs ? La ministre de la Culture, Mme Aurélie Filippetti a lancé la mission « Culture-acte2 » en septembre 2012 afin de trouver des pistes permettant de concilier l’intérêt du public et l’intérêt des auteurs.

Le rapport Lescure « Culture-Acte2 », consultable en ligne sur le site du Ministère de la Culture et de la Communication, propose l’instauration d’une « taxe sur les terminaux connectés ». Pourquoi ? La rémunération pour copie privée est en proie à de nombreux problèmes. Ses barèmes ont notamment été contestés. De plus, le rapport prévoit l’avènement d’une nouvelle ère : celle de « l’accès et de la lecture en flux ». Les informations ne seront plus disponible uniquement sur des supports physiques, mais également sur des supports on-line. Le rapport parle d’une « transformation des usages ». Ainsi, la rémunération pour copie privée, qui n’a pas été créée pour de tels usages, ne pourrait protéger efficacement les auteurs. Dès lors, que faire ?

Ce rapport propose donc l’instauration d’une taxe sur les terminaux connectés (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.). Cette taxe serait « assise sur l’ensemble des terminaux, indépendamment de leur capacité de stockage ». Les auteurs du rapport vont même plus loin : cette nouvelle taxe pourrait être adossée à la rémunération pour copie privée. Il s’agirait alors d’un « prélèvement unique », permettant « de compenser le transfert de valeurs des contenus vers les matériels ».

Qui serait redevable ? Les distributeurs de matériels ou les prestataires de services. Il s’agirait d’un « prélèvement fixé forfaitairement, en proportion du prix de vente » (fiche B-11 du rapport).

Pourquoi ne pas taxer les opérateurs de télécommunications ? Le rapport estime que ces opérateurs sont déjà soumis à de fortes contributions, comme par exemple la taxe sur la distribution de services de télévision.

Une taxe, pour quels bénéfices financiers ? Le rendement est estimé à 86 millions d’euros par an.

La réaction à cette proposition a été unanime : les industriels ont rejeté en bloc cette nouvelle taxe. Et ils ne sont pas les seuls : le Conseil National du Numérique a déconseillé au Gouvernement de mettre en place cette taxe. Même si les raisons avancées sont différentes de celles des principaux concernés par cette taxe, la SACEM n’approuve pas celle-ci.

Une taxe d’outre-tombe ?

Devant une telle levée de bouclier, Mme la Ministre a décidé de ne pas inscrire cette taxe au projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement ayant de surcroît décidé d’une « pause fiscale ». De nombreux médias ont par conséquence déduit que cette taxe était « enterrée ». Mais manifestement, le dernier coup de pelle n’a pas suffit pour enterrer définitivement cette taxe ! La ministre a en effet affirmé que cette taxe « n’était pas enterrée ». Ainsi, même les taxes succombent à la mode zombie !

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