Valentin Boullier

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SB-741 : la Californie renforce les droits fondamentaux face aux technologies d’interception des communications électroniques (téléphone) octobre 16, 2015

Le gouverneur de Californie, M. Brown, a signé le 8 octobre la loi SB 741 qui vise à renforcer la protection des droits fondamentaux lorsque sont ordonnées des interceptions de communications électroniques sur un téléphone portable. Cette loi renforce considérablement le cadre législatif relatif aux technologies permettant l’interception de communications transmises entre téléphones portables, dont l’IMSI-catcher (international mobile subscriber information – catcher) est l’illustration la plus pertinente. Cette technologie permet à un opérateur d’intercepter des communications électroniques en utilisant un appareil se faisant passer pour une antenne de téléphonie mobile. Les données téléphoniques sont, par voie de conséquence, transmises à la fausse antenne.

« CCIT is a portable cell phone surveillance tool used by government agencies at the federal, state and local levels that generally consists of an antenna, a processor, and laptop computer for analysis and configuration. They work by emulating the operation of a cellular telephone network tower, which prompts nearby cell phones to switch over and communicate with it like it was the carrier’s nearest base station ».

Assembly Floor Analysis, 31 août 2015, Senate Third Readinf, SB 741 (Hill) As Amended August 31, 2015, Majority Vote. Le document est publi et peut être consulté sur le site web d’informations légales California Legislative Information (site officiel), ici.

Avec cette loi, la Californie souhaite maîtriser l’usage de telles technologies, en imposant aux « agencies » un cadre strict mettant l’accent sur l’information des citoyens.Cette loi s’articule sur deux points essentiels.

D’une part, elle impose de protéger les données interceptées par la mise en place de procédures : ainsi, des garanties « opérationnelles, administratives, techniques et physiques » doivent être implémentées afin de pouvoir protéger les données interceptées des intrusions et garantir leur exactitude. Il s’agit ainsi de pouvoir s’assurer que les données ne pourront être détruites ou modifiées.

D’autre part, et il s’agit là d’un point novateur, cette loi impose aux agences utilisant des technologies d’interception de données téléphoniques d’instaurer une politique d’utilisation permettant de garantir le respect des droits fondamentaux et notamment la vie privée des citoyens. Ainsi, les agences ayant recours à de tels procédés doivent informer les citoyens. Cette communication pourra, par exemple, être opérée grâce au site web de l’agence. Il est intéressant de noter que par « agence », cette loi inclut également les polices locales mais également le « county sheriff ». Les autorités locales californiennes se retrouvent soumises à cette loi, dans leur ensemble.

La loi s’intéresse particulièrement à la politique que doivent adopter les autorités locales. Ainsi, celle-ci devra répondre à plusieurs exigences formelles. La « politique » devra de ce fait impérativement préciser :

  • les buts rendant nécessaires l’utilisation de technologies d’interception de communications électroniques;
  • les qualités des employés autorisés, ainsi que leur formation;
  • la manière dont l’agence utilisera la technologie d’interception afin de garantir l’exactitude des informations ainsi interceptées, ainsi que la manière dont les techniques employées respecteront les lois en vigueur;
  • l’existence ou non d’une convention de partage avec d’autres agences. L’identité des agences avec qui les informations seront partagées devra être rendue publique. La politique devra également détailler s’il s’agit d’un partage de technologies ou d’informations interceptées grâce à ces technologies;
  • les modalités de partage avec d’autres agences (autorisations – restrictions);
  • enfin, la politique devra également détailler la durée d’interception ainsi que les modalités de destruction des informations.

La loi prend soin de préciser que les entités californiennes ne pourront acquérir une technologie d’interception seulement si celle-ci a été approuvée par le corps législatif, ou si une ordonnance ou une résolution l’approuve. Si ces conditions sont respectées, un county sheriff pourra acquérir une telle technologie. Le county sheriff devra notamment porter à la connaissance du public une telle acquisition.

Enfin, la loi précise la possibilité pour un citoyen d’obtenir réparation devant une juridiction, si celui-ci estime que ses droits ont été violés en raison du non-respect des modalités.

Il est également intéressant de noter que cette loi a suscité l’unanimité : en effet, soutenue par l’EFF (Electronic Frountier Foundation) et soumise à plusieurs votes (dont plusieurs comités), la proposition a été adoptée à l’unanimité (aucun « noes » n’a été enregistré). La Californie a adopté récemment plusieurs lois qui renforcent considérablement les droits et libertés fondamentaux : outre la SB 741, le Gouverneur a également signé la SB 178 (cf. post précédent), la SB 34 (relative à la reconnaissance des plaques d’immatriculation), et la SB 272 (« Disclosure of Enterprise Systems »). Si la Californie a été l’État précurseur sur de nombreux points, il semble qu’il soit également en pointe dans le renforcement des droits et libertés fondamentaux appliqués à la sphère du numérique. Vous pouvez consulter l’avis de l’EFF sur ces lois ici.

Pour aller plus loin :

  • SB 741 : Mobile communications : privacy, consultable ici.
  • FARIVAR (C.), « New California bill would require local approval for stingray use », arstechnica.com, publié le 16 avril 2015, consulté le 16 octobre 2015, consultable ici.
  • SEIPEL (T.), KURHI (E.), California digital privacy laws boosted, protecting consumers from Big Brother, big business », www.mercurynews.com, publié le 10 septembre 2015, consulté le 16 octobre 2015, consultable ici.
  • CAGLE (M.), « California Just Got a Privacy Upgrade – Alameda County, It’s Your Move », www.aclunc.org (site web de l’ACLU- Californie du Nord), publié le 13 octobre 2015, consulté le 16 octobre 2015, consultable ici.
  • MAAS (D.), « Success in Sacramento; Four new laws, One Veto – All Victories for Privacy and Transparency », www.eff.org, publié le 14 octobre 2015, consulté le 16 octobre 2015, consultable ici.
  • SEIPEL (T.), KURHI (E.), « Law Extends Privacy Rights to Electronic Data », www.officer.com (source : San José Mercury News), publié le 12 octobre 2015, consulté le 16 octobre 215, consultable ici.